Le mercredi 6 mai, marque le 104e anniversaire des exécutions de 1916 à la place des Martyres. Pour des décennies, le nom de la place centrale de Beyrouth rappelle en permanence les exécutions.
Le 6 mai 1916, le commandant militaire ottoman Jamal Pasha a ordonné la pendaison publique de plus de 20 Libanais et Syriens nationalistes simultanément au centre-ville de Beyrouth et de Damas, pour trahison présumée.
À Beyrouth, 17 hommes ont été pendus à la place al-Bourj qui a été renommée en 1932 pour rendre hommage aux martyres.
Toutefois, l’importance historique de cette place centrale de Beyrouth date même avant que les Ottomans ne commettent leurs crimes.
Les anciens noms
À l’origine, la place centrale de Beyrouth était nommée place al-Bourj. Ce nom est inspiré par l’ancien mirador (Burj al-Kashef) qui se trouvait au bord de la place.
Des décennies plus tard, le nom de la place a changé 6 fois. Le nom a premièrement été changé en 1773 à la place des Canons à cause des canons russes placés près du mirador.
Le nom a ensuite changé en 1860 lorsqu’une flotte française a remplacé les canons russes par plusieurs canons français, d’où est venu le nouveau nom “la place des Canons”.
24 ans plus tard, en 1884, la place des Canons a été renommée “place Hamidiyyeh” par les Ottomans après l’empereur ottoman Sultan Abdul Hamid II.
Les noms “la place de l’union” et “la place de la liberté” ont ensuite régné avec le début de la révolution des Jeunes-Turcs en 1908.
C’était 23 ans avant que “la place des Martyrs” ne devienne le nom officiel de la place centrale de la capitale libanaise, qu’elle conserve encore aujourd’hui.
Les anciens monuments
À la fin du XIXe siècle, la municipalité de Beyrouth a modernisé sa place centrale et l’a choisie comme le lieu principal de rencontre dans la ville.
L’ingénieur ottoman, Beshara Effendi, a conçu un jardin, une fontaine, des échoppes, des souks et d’autres bâtiments publics au centre de la place, qui a continué à se développer progressivement au cours des années suivantes.
Lorsque le nom de la place a été changé en “place des Martyrs” en 1931, un monument commémorant les exécutions du 6 mai a été érigé.
Le monument représentait deux femmes libanaises, une musulmane et une chrétienne, se tenant par la main au-dessus d’une urne symbolisant les cendres de chacun de leurs enfants martyrs.
En 1950, la place des Martyrs était déjà devenue le centre de loisirs de Beyrouth, avec des cinémas, des cafés et des hôtels. Cette année-là, elle est même devenue le terminus des bus et des taxis de la capitale.
6 ans plus tard, le président Camille Chamoun a posé la première pierre d’un second monument qu’il avait l’intention de construire sur la place des Martyrs.
Le concept du monument était un obélisque surmonté d’une arche. Cependant, sa construction n’a jamais commencé et le projet a été abandonné.
Le monument des martyrs
C’est quelques années plus tard que fut érigé le célèbre monument qui subsiste encore aujourd’hui. La statue de 4 mètres de haut a été conçue par le peintre et sculpteur italien Marino Mazzacurati, et le président Fouad Chehab l’a inaugurée en 1960.
Le monument précédent, connu sous le nom de “Les pleureuses”, était détesté par de nombreux Libanais en raison de son caractère affligeant. En 1948, il a été attaqué et endommagé à l’aide d’un marteau, mais n’a été retiré qu’en 1953.
Les pleureuses sont aujourd’hui exposées à l’extérieur du musée Sursock à Beyrouth.
Pendant la guerre civile, qui a duré de 1975 à 1990, la place des Martyrs a constitué un point de démarcation qui a divisé Beyrouth en deux régions opposées.
Comme la plupart des quartiers de Beyrouth, le monument de la place a été détruit pendant la guerre.
Ce qu’il en restait a été rénové en 1996 par l’Université du Saint-Esprit de Kaslik, qui a délibérément choisi de laisser les cicatrices causées par les balles et les éclats sur la statue, afin de raconter l’histoire du Liban à travers elles.
Avec le début de la révolution du Cèdre en 2005, la place des Martyrs est devenue un lieu de manifestation important pour les Libanais.
Son importance pour les mouvements populaires a été évidente lors de la révolution du 17 octobre, lorsque les manifestants ont envahi la place des Martyrs, ainsi que d’autres places de Beyrouth, et y ont monté des tentes pour manifester contre le gouvernement pendant des mois.
La révolution a permis d’introduire de nouvelles statues et des œuvres d’art novatrices sur la place des Martyrs, remplissant ainsi une nouvelle page de son livre d’histoire bien rempli.