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Le 4 août 2020, une explosion au port de Beyrouth ravagea la capitale du Liban. L’origine était un entrepôt contenant 2 700 tonnes de nitrate d’ammonium.
Beaucoup avait tenté d’avertir les responsables, y compris le président et les premiers ministres successifs, des graves dangers du stockage inapproprié de ces matériaux. Mais aucune mesure n’avait été prise.
La source des matériaux est encore alambiquée. Mais la population accuse de négligence les gouvernements de ces dernières années.
L’explosion de Beyrouth a tué au moins 235 personnes. Cependant, le nombre confirmé diffère en fonction de la personne à qui vous demandez. Il n’y a pas un seul compte officiel à ce jour.
Il y a encore des personnes portées disparues, en plus de 7 000 autres personnes qui ont été blessées et 77 000 maisons qui ont été endommagées, laissant 300 000 personnes déplacées. Tous des victimes de l’explosion du port de Beyrouth.
Selon la Banque Mondiale, l’explosion a causé entre 3,8 et 4,6 milliards de dollars en dégâts matériels.
Immédiatement après l’explosion, des campagnes privées et publiques de levée de fonds surgirent de par le monde pour venir en aide aux victimes qui ont survécu, et ceci à travers des ONG et associations de confiance au Liban, contournant le gouvernement libanais en raison du manque de confiance général et de la peur que l’argent soit empoché.
Au Canada, il y a eu d’innombrables campagnes initiées par des individus, des entreprises privées, et des organisations, et puis par le gouvernement Canadien, pour amasser des fonds pour les victimes de l’explosion.
L’une de ces collectes de fonds a été initiée par nous-mêmes par le biais de notre organisation à but non lucratif enregistrée au Canada, The961 Foundation, amassant 52 659 CAD pour la Croix-Rouge libanaise.
Une autre initiative, Lebanon Strong, lancée par Dina Bakhit à Toronto, a créé une route d’aide constante de donations pour le Liban, et qui opère toujours jusqu’à ce jour.
Au début, Lebanon Strong collectait toutes sortes de donations pour les citoyens affectés par l’explosion de Beyrouth et pour les bombardiers, y compris des vêtements, des médicaments, et même du matériel de lutte contre les incendies.
L’organisation a depuis lors évolué, pourvoyant pour le manque de lait maternisé au Liban et ainsi que des produits de santé et d’hygiène pour femmes. Lebanon Strong a travaillé avec des associations et organisations caritatives locales pour s’assurer que l’aide arrive là où elle le devrait.
Lors de notre collecte de fonds pour la Croix-Rouge libanaise, un groupe de chefs d’entreprise libanais au Canada a créé la Coalition Libano-Canadienne (LCC) dans le but de collecter des fonds et de faire pression sur le gouvernement canadien pour accroître son soutien au Liban et aux victimes de l’explosion.
Ils ont réussi à convaincre le gouvernement canadien d’égaler, dollar pour dollar, chaque dollar recueilli, en faveur de la Croix-Rouge libanaise.
À ce point-là, notre collecte de fonds ayant terminée, nous avons consideré de les donner à La Croix-Rouge libanaise par l’intermédiaire du LCC afin d’obtenir la contrepartie du gouvernement canadien.
Cependant, on nous a dit que cela n’irait pas directement à la Croix-Rouge libanaise mais à la Croix-Rouge canadienne d’abord, ce qui n’était pas un problème, mais nous sommes restés en attente.
On nous a alors dit que les fonds récoltés iraient plutôt à la Coalition Humanitaire (HC) pour être distribués au Liban.
La Coalition Humanitaire (HC) est une alliance entre une douzaine d’organismes d’aide et d’organismes de bienfaisance canadiens :
· Action Against Hunger
· Canadian Foodgrains Bank
· Canadian Lutheran World Relief (CLWR)
· Care Canada
· Doctors of the World
· Humanity & Inclusion
· Islamic Relief
· Oxfam Canada
· Oxfam Quebec
· Plan International
· Save the Children
· World Vision
Cependant, il n’y avait aucune information initiale sur la manière dont les fonds seraient distribués et s’il s’agissait de tous les organismes de bienfaisance au sein de la coalition ou de quelques-uns d’entre eux. LCC nous rassura que seules les associations laïques receveront l’aide à distribuer au Liban.
Nos donateurs ont voté en faveur de donner la moitié de notre collecte directement à la Croix-Rouge libanaise et l’autre moitié à la Coalition libano-canadienne (LCC) qui sera égalé par le gouvernement canadien par l’intermédiaire de la Coalition Humanitaire (HC).
Ce vote s’est déroulé sous l’impression que seules les entités laïques au sein de la Coalition Humanitaire recevraient les fonds pour distribution.
On nous a spécifiquement dit que l’organization Islamic Relief ne serait pas incluse en raison des maintes problèmes la confrontant à l’échelle mondiale; à savoir:
Les Émirats Arabes Unis l’ont placé sur sa liste d’organisations interdites en raison de liens présumés avec le Muslim Brotherhood; HSBC avait arreté ses services à l’organization en raison de problèmes similaires potentiels; Le Bangladesh l’avait bloquée en raison de craintes signalées de radicalisation; L’Allemagne l’avait accusé d’avoir des “liens importants” avec le Muslim Brotherhood ou ses organisations affiliées ; et le directeur d’Islamic Relief, Heshmat Khalifa, avait démissionné après que The Times ait découvert des remarques antisémites qu’il avait faites des années auparavant.
L’organisme de bienfaisance a nié toutes les accusations ci-dessus. Mais avec autant de controverses, surtout lorsque nous opérons dans un pays comme le Liban, nous avons préféré ne pas faire gérer les fonds par eux.
Cependant, peu de temps après, une vidéo émergea du Liban, dans le cadre de la campagne, montrant des boîtes d’aide distribuées ayant les étiquettes de l’Islamic Relief.
Nous avons donc décidé de mettre en œuvre notre plan initial de faire don de nos fonds collectés directement à la Croix-Rouge libanaise.
Près de 19 millions de dollars canadiens ont été collectés par le biais de la Coalition Humanitaire (HC) sous l’impression que l’aide soutiendrait les besoins immédiats des victimes de l’explosion de Beyrouth.
Des 19 millions de dollars, 11 millions ont ete collectés par des particuliers et des entreprises partenaires, dont la Coalition libanaise canadienne. Le gouvernement canadien a versé les 8 millions de dollars restants dans le cadre de son engagement de contrepartie.
La Coalition Humanitaire a réparti l’aide entre 13 ONG locales :
- Arc-en-Ciel
- SHIFT, Social Innovation Hub
- Plan international
- Popular Aid for Relief and Development (PARD)
- ABAAD
- International Orthodox Christian Charities (IOOC)
- Middle East Council of Churches (MECC)
- Mousawat
- Amel Association International
- Alfanar Venture Philanthropy
- Tabitha for Relief and Development (TRD)
- Islamic Relief
- Save The Children Lebanon
Cependant, pas toutes ces organizations avaient un contact direct avec la Coalition Humanitaire (HC), à l’exception des deux dernières mentionnées. Les organizations locales disposaient d’une agence canadienne, appartenant à la HC, comme acteur intermédiaire.
Dans un rapport publié en août 2021, la HC a déclaré que l’aide monétaire a été répartie entre huit secteurs, comme suit:
- Secteur de la santé : Recevant la majorité de l’aide à 46%, totalisant 8 740 000 USD.
- Eau, Assainissement, et Hygiène : 18%, soit 3 420 000 USD
- Impacts COVID-19 : 9%, soit 1 710 000 USD
- Sécurité alimentaire : 8% soit 1 550 000 USD
- Protection : 7%, soit 1 330 000 USD
- Moyens de subsistance: 7%, soit 1 330 000 USD
- Abris et articles non-alimentaires: 5%, soit 950 000 USD
- Éducation : 0%
Ce rapport-ci visait à corroborer les chiffres. Toutes les ONGs citées ci-dessus ont été contactées, sans exception, cependant, seulement 8 ont répondu. Parmi ces 8, seules les organizations Islamic Relief et Popular Aid for Relief and Development (PARD) se sont entretenues avec nous pour répondre à nos questions.
Islamic Relief
L’Islamic Relief a reçu environ 1 167 442 USD (1,5 million dollars canadiens), selon Tarek Bizri, le directeur national par intérim.
L’organization aurait réhabilité 234 maisons, bien que le rapport de la Coalition Humanitaire (HC) indique que seulement 133 maisons ont été réhabilitées. Il n’y a eu aucune explication sur cet écart dans les chiffres.
Islamic Relief a également donné à 160 familles, celles qui avaient l’espace et les connaissances, quelques vaches laitières pour les aider à générer un revenu.
L’organisation a aussi pris en charge la nourriture et les visites médicales des familles pendant six mois, leur permettant de se remettre sur pied. Les familles ne se limitaient pas à la region de Beyrouth seulement mais de tout le Liban.
L’organisation a également utilisé de l’argent de ces fonds pour poursuivre un projet lancé il y a des années appelé “Channel of Hope.” Le projet est un programme de formation sur la protection de l’enfance visant des responsables religieux musulmans et chrétiens. L’organisation aurait organisé un atelier auquel ont participé 48 chefs religieux de tout le Liban.
Mr. Bizri a soumis une demande pour le nombre précis et la répartition de chaque activité auprès de ses supérieurs, mais il ne nous a pas encore répondu.
Popular Aid for Relief and Development (PARD)
Rashid El Mansi, le responsable du programme au PARD, a déclaré qu’ils n’avaient reçu qu’un soutien monétaire d’une valeur de 1,1 million de dollars américains.
La majorité de l’argent a été utilisée pour créer un système de bons alimentaires pour les familles des quartiers de Karantina, Bourj Hammoud, et Nabaa à utiliser dans les supermarchés sous contrat avec le PARD.
Pendant 12 mois, le PARD a distribué à 4 500 familles des bons alimentaires d’une valeur de $17 chacune. Après 4 mois, ils ont ajouté un millier de familles, totalisant 5 500 familles dépendant de leurs bons alimentaires.
Pendant les trois premiers mois, ils ont fait don de kits alimentaires d’une valeur de $50 à 1 000 familles et de kits de cuisine contenant des ustensiles, des casseroles, et des poêles à 400 familles, chacun d’une valeur de $40.
Cependant, le total s’élève ainsi à $1 220 000, dépassant l’aide reçue.
Il est important de noter que tous les chiffres mentionnés ci-dessus ont été donnés lors de l’interview, puis clarifiés lors d’une conversation WhatsApp, où El Mansi a déclaré : “Si vous faites les calculs, cela ne s’additionnera pas,” mais il n’a pas précisé davantage.
L’Islamic Relief et le PARD ont déclaré avoir utilisé la salle d’urgence avancée, créée par l’armée libanaise, pour coordonner les efforts de secours et diviser les quartiers entre eux. Cependant, le site Web est actuellement indisponible.
Le Secteur de l’ Education
Le rapport de la Coalition Humanitaire (HC) affirme que le secteur de l’éducation n’a reçu aucune aide. Cependant, “Plan International” a réhabilité une école à Clemenceau et distribué des kits de fournitures scolaires à 16 500 élèves.
Malheureusement, “Plan International” n’a pas répondu à nos e-mails et appels.
Dans une interview, Health Partners International of Canada (HPIC) a déclaré avoir fait don de 1,5 million de dollars en médicaments et fournitures médicales aux centres dévastés par l’explosion et qu’ils soutiennent la reconstruction de l’Hôpital St George à Beyrouth.
Ils n’ont signalé que les médicaments oraux donnés par l’ANERA sans donner les montants, et la cytarabine étant répertoriée deux fois :
- Doxorubicin
- Irinotecan
- Pentamidine
- Sodium Bicarbonate
- Fluconazole
- Sodium Chloride
- Hydrochlorothiazide
- Cytarabine
- Nystatin
- Dexamethasone
- Cytarabine
- Acetaminophen
- Levetiracetam
- Diphenhydramine
- Colistimethate
- Valacyclovir
Ils n’ont pas pu nous fournir les quantités des médicaments donnés car cela les obligerait à vérifier manuellement chaque médicament donné par le Canada.
Le Children’s Cancer Center for Lebanon a déclaré avoir reçu 4 fauteuils inclinables d’une valeur de 17 565 USD pour les patients pendant le traitement, car ceux qu’ils avaient avaient été endommagés pendant l’explosion.
En plus de cela, ils ont reçu ce qui suit :
- 80 flacons de Doxorubicin
- 90 flacons de Irinotecan
- 10 flacons de Pentamidine
- 522 Sodium Bicarbonate
- 157flacons de Fluconazole
- 800 Sodium Chloride
- 125 bouteilles de Hydrochlorothiazide
- 100 flacons de Cytarabine
- 1,000 bouteilles de Nystatin
- 200 bouteilles de Dexamethasone
- 100 flacons de Cytarabine
- 303 Acetaminophen
- 100 Levetiracetam
- 47 Diphenhydramine
- 197 flacons de Colistimethate
- 324 bouteilles de Valacyclovir
Des centaines de milliers de Canadiens ont répondu à l’appel et se sont précipités pour donner de l’argent et de l’aide à la suite de l’explosion du port de Beyrouth, et des dizaines de millions de dollars ont été amassés.
Le bénéficiaire de la majorité de l’aide n’a cessé de changer pendant et après les efforts de collecte de fonds, allant même vers des organisations dont les donateurs et les donateurs potentiels avaient été explicitement informés qu’elles ne recevraient aucune aide pour diverses raisons.
Bénéficiaires et promesses changeaient sans cesse ; de la Croix-Rouge libanaise à la Croix-Rouge canadienne, à la Coalition Humanitaire (HC) sans détails sur les organismes de bienfaisance au sein de la HC, et à la HC à l’exception des organismes de bienfaisance non laïques.
Seulement pour que le public découvre que rien de ce qui précède ne s’applique.
En fait, il y a eu une sous-traitance de l’aide par des organisations au sein de la Coalition Humanitaire (HC) à des organisations locales au Liban dont les donateurs n’en étaient pas informés au préalable.
Plus important encore, nous avons constaté que l’argent de l’aide avait été mal alloué et réaffecté loin de la promesse de collecte de fonds prévue comme aide pour les victimes de l’explosion de Beyrouth.
Il y a eu une réaffectation active des fonds vers des zones nonaffectées par l’explosion en dehors de Beyrouth, comme Akkar qui est à 104-109 km du port de Beyrouth, soit environ 1h 47 min de route. Des fonds ont également été dépensés pour des activités non essentielles comme des ateliers pour enseigner le marketing aux entreprises, et autres.
Près de 18 mois se sont écoulés depuis l’explosion du port de Beyrouth. Les victimes continuent de lutter pour couvrir leurs frais médicaux. Des centaines de milliers de Libanais n’ont toujours pas les moyens de couvrir les frais de réparation de leur maison et sont contraints de subir des hivers rigoureux.
Notre mission était de traquer toutes les aides promises et créer une responsabilisation.
Nous ne voulons aucunement vous décourager de faire une donation à l’avenir si et quand le Liban aurait besoin d’aide. Pour chaque initiative ou calcul qui n’a pas de sens, il y en a beaucoup d’autres qui en ont.
Lebanon Strong, par exemple, l’initiative lancée par Dina Bakhit à partir de Toronto, recueille régulièrement des donations et envoie des conteneurs remplis d’aide depuis l’explosion.
16 conteneurs de 40 pieds et 20 pieds ont été expédiés du Canada remplis d’aide médicale d’urgence, des fauteuils roulants, de la nourriture, d’aide chirurgicales, et de marchettes.
3 de ces conteneurs étaient remplis de matériel de lutte contre les incendies, des vestes, des casques, des tuyaux, des bottes, des gants, et des fournitures d’intervention d’urgence.
L’un des conteneurs contenait 18 000 articles de lait maternisé achetées grâce à un montant de 50 000 CAD que Lebanon Strong avait amassé. Leur campagne a duré 18 mois et a permis d’envoyer environ 7 millions de dollars canadiens en dons à des organisations et entités de confiance au Liban.
Abbis Mahmoud, un entrepreneur prospère d’Ottawa, est un autre exemple. Il a pu mobiliser toute une équipe et affréter des vols vers le Liban quelques jours après l’explosion, transportant de l’aide aux organisations et aux hôpitaux de Beyrouth.
De nombreux efforts et initiatives similaires ont vu le jour à travers le Canada pour aider, et nous voulons reconnaître leur travail et celui des innombrables initiatives, organisations, et bénévoles qui se sont mobilisés pour aider au Liban, au Canada, et dans le monde.